Enseigner à l'international : une expérience enrichissante

Dr Alan Barkun, gastroentérologue de réputation internationale et directeur de l’endoscopie thérapeutique et de la qualité à la Division de gastroentérologie du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), s’est rendu au Myanmar à l’été 2015 pour partager son savoir et son expertise, dans le cadre d’un voyage de 10 jours organisé par l’American Society for Gastrointestinal Endoscopy (ASGE). En cette période des fêtes, où l’altruisme s’exprime de multiples façons, nous avons pensé vous présenter cette entrevue réalisée cet automne avec le Dr Barkun.

Enseigner à l'international : une expérience enrichissante

 

Parlez-nous du programme auquel vous avez participé.

Il s’agit d’une initiative philanthropique visant à exporter des soins médicaux endoscopiques et de l’expertise en enseignement dans des régions du globe qui en ont besoin. Après avoir posé ma candidature pour le voyage au Myanmar, j’ai été choisi pour y participer, avec trois autres médecins d’autres pays. En tant qu’ « ambassadeurs », nous avons donné de notre temps pour réaliser cette initiative.

Qu’avez-vous enseigné?

Mon rôle était de faire des cas complexes, réalisables avec les ressources disponibles. Plus spécifiquement, on m’a demandé d’enseigner la cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE*), une intervention qui utilise des rayons x et un endoscope pour examiner ou traiter des organes comme le pancréas, le foie et la vésicule biliaire.

Comment cela s’est-il passé?

Ce fut une expérience exigeante et gratifiante. On commençait nos journées en donnant des conférences de 2 heures et ensuite on réalisait des cas sur des patients pendant 6 heures. J’enseignais à 30 personnes à la fois, alors qu’ici, il y a en général 3 personnes dans la salle de fluoroscopie pour ce genre d’enseignement. Les gens étaient heureux d’être là et se montraient reconnaissants de tout ce qu’on faisait.

Enseigner à l'international : une expérience enrichissante

Évidemment, il a fallu s’adapter à la réalité locale. L’équipement n’était pas mauvais, les personnes étaient compétentes et les ressources raisonnables, mais tout ne fonctionnait pas aussi rondement qu’ici, c’est certain. Une journée, nous avons eu une panne d’électricité qui a duré plusieurs heures. Une autre journée, il y eu un patient qui a fait un arrêt cardiaque et, quand le chariot d’urgence est arrivé, l’équipement ne marchait pas. Heureusement, les manœuvres de réanimation ont suffi.

Quelle autre adaptation ce genre de voyage demande-t-il?

Il faut porter attention au contexte culturel et politique, et même religieux. Demander un consentement à un patient bouddhiste, par exemple, ce n’est pas comme demander un consentement à un chrétien catholique. C’est bien de connaître un peu d’avance le portrait social du pays.

Il faut aussi s’adapter aux différences dans la pratique de la médecine, qui ne sont pas dues, à mon avis, à un manque de compétence. Il faut être assez ouvert pour discuter avec les gens et leur dire qu’il peut y avoir plusieurs façons de faire les choses.

Enseigner à l'international : une expérience enrichissante

Que retirez-vous de cette expérience?

Quand on voyage pour notre travail, et même ici au CUSM, on est habitué de côtoyer certains des meilleurs spécialistes au monde. Avec ce genre de voyage, on réalise qu’il y a des gens extrêmement compétents qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord et dont on n’entend jamais parler. C’est une leçon d’humilité.

On s’aperçoit aussi de la chance que l’on a de travailler dans les conditions nord-américaines, même si tout n’est pas parfait, et ça nous rappelle les valeurs de base de la médecine et la raison pour laquelle on pratique cette profession, qui est d’aider les patients.

Je retiens également la gentillesse de nos hôtes et leur volonté d’apprendre afin d’améliorer la santé de leur peuple. J’ai rencontré plusieurs personnes inspirantes, particulièrement les leaders de la société d’endoscopie qui sont des femmes qui travaillent avec une vision, une grandeur d’âme, un souci de responsabilité et de devoir pour la patrie. Elles ne sont pas là pour leur carrière, elles veulent faire ce qu’il y a de juste pour leurs patients et collègues.

Bref, c’est enrichissant culturellement et personnellement. En plus, cela contribue à améliorer la santé de populations plus vulnérables et à faire rayonner le CUSM et l’Université McGill en dehors de nos frontières.

*Une CPRE peut servir à :

  • trouver la cause d’une douleur abdominale récidivante ou d’une jaunisse
  • trouver des calculs biliaires dans un canal biliaire et les enlever
  • élargir un canal rétréci pour raisons bénignes ou malignes en insérant une endoprothèse (petit tube)
  • faire une biopsie (prélèvement de tissu qui sera examiné au microscope)
  • diagnostiquer une maladie du pancréas, du foie, de la vésicule biliaire ou des canaux biliaires, comme l’inflammation, l’infection ou le cancer

*Source : Société canadienne du cancer