Vieillir avec le VIH : les patients font face à une nouvelle réalité

Des déficits cognitifs pourraient maintenant avoir un lien avec des années de vie en présence du virus du VIH/sida


De gauche à droite : Lesley Fellows (neurologie), Nancy Mayo (épidémiologie clinique), Marie-Josée Brouillette (psychiatrie), Lisa Koski (neuropsychologie)

Il y a 24 ans, Robert (nom fictif) a été infecté par le VIH. Grâce à la bonne combinaison de médicaments, il a pu vivre en santé. Toutefois, il y a quelques années, il a commencé à avoir des problèmes de concentration et de mémoire. Il arrive souvent que cet homme de 59 ans ne se rappelle pas où il doit ranger les objets ou ce qu’il venait chercher dans le réfrigérateur.

Robert est l’un des participants à une étude novatrice menée par le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et L'Institut et Hôpital neurologiques de Montréal - Le Neuro, sur l’évaluation de la fonction cognitive chez les patients vivants avec le VIH. Il a décidé de participer à l’étude, afin de servir la cause et de faire avancer la science. « J’ignore si mes problèmes sont liés à l’âge, au virus ou à une autre cause, dit-il. Toutefois, si je peux être utile, je vais participer. »

Le visage du VIH

Grâce aux traitements antirétroviraux très efficaces, le nombre de décès attribuables au sida a chuté de 90 pour cent après 1995.

La situation liée au VIH semble avoir changé soudainement. Aujourd’hui, les personnes infectées par le VIH vivent longtemps, mais doivent faire face à des problèmes de santé secondaires, comme un possible déficit cognitif.

« Au début de l’épidémie, les personnes atteintes du VIH devaient cesser de explique Dre Marie-Josée Brouillette, psychiatre et chercheuse à l'Institut de recherche CUSM, qui supervise ce projet avec sa collègue Dre Lesley Fellows, clinicienne chercheuse au Neuro. Trente ans plus tard, le problème est qu’elles veulent poursuivre leurs activités professionnelles, mais si elles éprouvent des problèmes de concentration, elles peuvent se sentir moins efficaces sur le plan mental. »

En partenariat avec la clinique médicale l’Actuel, l’équipe multidisciplinaire responsable de l’étude — formée de psychiatres, de neurologues, de neuropsychologues, d’épidémiologistes et de médecins spécialistes du VIH — est en train de mettre au point un nouvel outil de mesure des capacités cognitives chez les patients infectés par le VIH. L’objectif est de mettre au point une batterie de tests informatisés gratuits et accessibles à distance, permettant de mesurer la capacité cognitive de manière fiable, en quelques minutes.

« Notre méthode d’analyse statistique (analyse Rasch) est un modèle d’épidémiologie clinique qui, dans ce cas, constitue une approche novatrice, ajoute la Dre Brouillette. Nous présentons sous un éclairage nouveau la relation existant entre le symptôme de déficit cognitif et les résultats des tests. »

Le projet de recherche implique environ 100 patients, qui fréquentent la clinique médicale l’Actuel ou le CUSM afin de faire une série de tests en ligne, qu’ils refont trois et six mois plus tard. « De nombreuses études ont étayé le fait qu’entre 30 et 50 pour cent des personnes ayant le VIH présentent un trouble cognitif léger, poursuit la Dre Brouillette. Ce trouble se manifeste par des problèmes d’attention, de concentration et de mémoire. »

Trouver de nouveaux traitements

Selon la Dre Brouillette, le virus du VIH infecte le cerveau de certains patients, malgré un bon contrôle de la charge virale mesurée dans le sang; ces personnes peuvent éprouver des déficits cognitifs. La ponction lombaire — intervention très invasive, qui ne convient pas dans tous les cas — constitue le seul test permettant de dépister la présence du VIH dans le cerveau.

« Les résultats de cette étude peuvent nous permettre de mesurer l’ampleur du déficit cognitif, ce qui pourrait laisser croire à la présence du virus dans le cerveau, conclut la Dre Brouillette. Le défi des chercheurs est de mettre au point une batterie de tests fiables,faciles à administrer à de plus grandes cohortes de participants, afin que les scientifiques puissent approfondir leur connaissance de cette nouvelle problématique et déterminer les interventions qui pourraient réduire les effets défavorables du virus sur la capacité cognitive des patients, et ce, plus tôt que tard. »

Ce projet est une collaboration entre Marie-Josée Brouillette et Gail Myhr (Psychiatrie); Lesley Fellows et Etienne de Villers-Sidani (Neurologie); Nancy Mayo, Susan Bartlett et Nandini Dandukuri (Épidémiologie Clinique); Lisa Koski, Alain Ptito et Maxim Lewkowski (Psychologie); Marina Klein et Jean-Pierre Routy (Service des maladies virales chroniques, CUSM); ainsi que Réjean Thomas et Benoit Trottier (Clinique médicale L’Actuel). Avec le support de Warren Steiner, Psychiatre au CUSM (Chef du département de la psychiatrie au moment où le projet a été initié); Richard Lalonde, Directeur de recherche et Norbert Gilmore, Directeur médical, Service des maladies virales chroniques, CUSM.