Des virus « cachés » dans… les testicules
Tout a commencé il y a 5 ans, à l’Hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), avec une des patientes du Dr Jean-Pierre Routy, atteinte du VIH. Gloria, née de sexe masculin, souhaitait se faire opérer pour une réassignation sexuelle.
Le clinicien-chercheur a eu l’idée inusitée de demander à sa patiente si elle accepterait de donner l’organe qu’elle souhaitait se faire enlever, à des fins de recherche. Cet échantillon a permis au Dr Routy, hématologue au CUSM et chercheur spécialisé en matière de VIH à l’Institut de recherche du CUSM (IR-CUSM) et à l’Université McGill, de poser la première pierre à l’édifice d’un projet innovant qui permet aujourd’hui de jeter un nouveau regard sur les mécanismes de l’immunité dans le testicule.
Le « privilège immunitaire »
Le Dr Routy et son équipe ont découvert que le VIH détourne à son avantage ce privilège immunitaire dans les testicules. « Le fait que le virus persiste dans les testicules est problématique car cela peut entrainer des transmissions secondaires de l’infection par voie sexuelle », lance le Dr Routy. C’est en étudiant les tissus de six patients infectés par le VIH recevant une trithérapie que les chercheurs se sont aperçus que le virus, même s’il était indétectable dans le sang, était toujours présent dans les testicules. Les résultats ont d’ailleurs été publiés dans les revues AIDS, en 2016 et Journal of Reproductive Immunology, en 2018.
Le Dr Routy et son équipe ont découvert que le VIH détourne à son avantage ce privilège immunitaire dans les testicules. « Le fait que le virus persiste dans les testicules est problématique car cela peut entrainer des transmissions secondaires de l’infection par voie sexuelle », lance le Dr Routy. C’est en étudiant les tissus de six patients infectés par le VIH recevant une trithérapie que les chercheurs se sont aperçus que le virus, même s’il était indétectable dans le sang, était toujours présent dans les testicules. Les résultats ont d’ailleurs été publiés dans les revues AIDS, en 2016 et Journal of Reproductive Immunology, en 2018.
Donner ses testicules à la science
Pour faire avancer ces travaux, il fallait étudier de plus près les testicules… et donc en trouver.
Le testicule est un organe peu étudié car il est très difficile à obtenir à des fins de recherche. « La plupart des échantillons proviennent de personnes décédées suite à un accident ou de patients ayant des cancers, explique le Dr Routy. J’ai certainement dû être un des premiers à demander de tels tissus! »
Grâce à un partenariat unique avec le Dr Pierre Brassard, chirurgien et directeur du Centre métropolitain de chirurgie de Montréal, l’équipe de chercheurs a pu récupérer, dans le cadre de ce projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada, plus de 110 paires de testicules, grâce aux dons de personnes qui viennent pour une chirurgie de réassignation sexuelle (changement du sexe anatomique masculin à féminin).
Kayla McConnell est l’une des patientes sans qui cette recherche n’aurait pas lieu. Elle a été approchée par le Dr Brassard et son équipe avant son opération et a tout de suite donné son consentement pour participer à cette étude.
« J’ai tout de suite été intéressée, je suis fascinée par le domaine médical; tous les superhéros ne portent pas de capes, certains portent des sarraus blancs! lance Kayla. Ces personnes sont uniques et talentueuses. Non seulement ils changent des vies, mais ils les sauvent. »
Les échantillons de testicules récoltés proviennent de personnes atteintes ou non du VIH. Immédiatement après la chirurgie, ils sont envoyés vers le laboratoire du Dr Routy à l’IRCUSM, où Franck Dupuy, Ph. D., coordonne ces travaux comme associé de recherche. Alors, commence alors un processus de longue haleine durant lequel les tissus sont finement broyés et digérés par des enzymes et triés afin d’en extraire les cellules immunitaires pour en étudier leurs fonctionnalités.
« C’est un projet extrêmement stimulant, car c’est un terrain vierge qu’il faut explorer. Tout ce que l’on découvre est nouveau, lance M. Dupuy, associé de recherche à l’IR-CUSM. Travailler sur ce type de tissus est assez technique. Il a fallu défricher le terrain et faire beaucoup de tests au départ. »
Au cours de leurs travaux, les chercheurs se sont aperçus que les cellules immunitaires étaient peu nombreuses dans les testicules. « On ne trouve que 2 à 10 % des cellules immunitaires dans les testicules. Il faut commencer avec un minimum de 40 à 50 millions de cellules testiculaires pour extraire ces cellules immunitaires et procéder aux tests », explique M. Dupuy.
Implications pour d’autres maladies
Selon le Dr Routy, certains cancers utilisent les mêmes mécanismes que les testicules pour se protéger des attaques du système immunitaire et se propager. Le lien entre le cancer et le privilège immunitaire des testicules n’est pas nouveau.
« Il y a déjà eu des études qui ont montré que chez des enfants atteints de leucémie, la maladie récidivait plus facilement chez les garçons que chez les filles, explique le Dr Routy. Les cellules cancéreuses s’étaient en effet réfugiées dans les testicules des jeunes patients, où les médicaments pénètrent moins bien. »
Les chercheurs ont récemment observé la présence de la protéine PD-1 sur des cellules immunitaires, les lymphocytes T, dans les testicules. La protéine PD-1, très étudiée en immunothérapie pour traiter les cancers, agit comme un interrupteur en ralentissant ou en stoppant le système immunitaire dans cette région.
« Les mécanismes de l’immunité qui constitue le privilège immunitaire sont les même que ceux utilisés par les cellules cancéreuses, dit le Dr Routy. En approfondissant nos recherches sur les testicules, nous espérons mieux comprendre comment le VIH et le cancer échappent au système immunitaire et essayer de trouver de nouveaux moyens de combattre ces deux maladies. »