Nous devons continuer à travailler pour faire tomber les préjugés liés à la santé mentale
« On revient de loin en matière de santé mentale, surtout sur le plan de l’attitude, mais il reste beaucoup de chemin à faire. On prévoit que la dépression sera la principale cause de morbidité médicale en 2020. Nous devons continuer à travailler pour faire tomber les préjugés liés à la santé mentale. J’ai l’habitude de dire que si nous obtenions le même type de sensibilisation et de collecte de fonds que celui accordé à l’oncologie ou au VIH, nous irions vraiment loin. Ce qui est sensationnel, c’est que les traitements évoluent et que de plus en plus de données probantes font ressortir l’importance de la psychothérapie, en association avec des médicaments au besoin. Il faut toutefois encore améliorer considérablement l’accès à ces traitements. Je pense également qu’il est essentiel de faire participer les patients à l’organisation des services. Au CUSM, nous avons mis sur pied un groupe de patients spécialement à cet effet. Nous devons en arriver à un point où la santé mentale sera perçue comme tous les autres problèmes de santé. Si vous avez le diabète, devriez-vous avoir honte ou trouver difficile d’accéder aux soins? Non. Les maladies mentales ne devraient pas être considérées autrement. J’espère qu’un jour, la dépression, l’anxiété, la schizophrénie, etc., susciteront les mêmes réactions que les autres maladies chroniques. »
—Nadia Szkrumelak, Psychiatrie-en-chef
L'anxiété peut être débilitante
— La clinique du CUSM contribue évacuer la souffrance grâce à une approche multidimensionnelle
Lynn Connor mène une belle carrière, est engagée dans un mariage sain, et le couple a récemment eu un premier enfant. Il y a deux ans, ce portrait n’était toutefois pas aussi idyllique.
« J’ai été victime d’une agression sexuelle, confie madame Connor (nom fictif). J’ai été tellement ébranlée qu’en l’espace de quelques mois, je suis devenue incapable de fonctionner. J’ai dû arrêter de travailler parce que j’avais des crises de panique et que je vivais des retours en arrière. On a fini par me diagnostiquer un syndrome de stress post-traumatique. »
D’après le docteur Pierre Bleau, directeur du programme de l’anxiété du CUSM (PAC) au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), au cours de leur vie, 30 % de la population souffriront d’un trouble anxieux assez grave pour devenir dysfonctionnels. « Lorsque nous disons dysfonctionnel, c’est par rapport au fonctionnement antérieur de la personne. Ainsi, quelqu’un pouvait bien fonctionner, mais ne plus être en mesure de travailler ou d’aller à l’école parce que l’anxiété l’envahit. »
Le PAC permet d’évaluer les troubles anxieux qui lui sont aiguillés, ce qui inclut surtout des aiguillages de deuxième et de troisième ligne. On n’y voit pas tellement de patients qui vivent un premier épisode. « Les patients nous sont souvent aiguillés par une équipe de santé mentale ou un psychiatre communautaire, précise le docteur Bleau. C’est également notre mandat au sein du RUIS*. »
On pose six grands diagnostics d’anxiété : le syndrome de stress post-traumatique, le trouble obsessionnel compulsif, l’anxiété sociale, les troubles d’anxiété généralisée, les troubles paniques et les phobies spécifiques (p. ex., des araignées, des piqûres, etc.) Si la possibilité d’une maladie sous-jacente n’est pas écartée, l’équipe du PAC, composée de deux psychiatres, d’un psychologue et d’une infirmière, commencera par s’assurer de l’exclure avant de poser un diagnostic lié à l’anxiété.
« Lorsqu’un patient souffre d’anxiété, nous lui prescrivons un traitement psychopharmacologique, une psychothérapie ou ces deux traitements, explique le docteur Bleau. Nous offrons également une thérapie cognitivo-comportementale, qui aide les patients à comprendre les pensées et les sentiments qui influent sur leurs comportements, ou nous explorons la thérapie interpersonnelle, axée sur les rôles sociaux passés et présents et sur les interactions interpersonnelles. Une nouvelle clinique virtuelle ouvrira bientôt ses portes et exposera les patients virtuellement à leurs phobies. À long terme, la psychothérapie est le traitement de choix. »
Le docteur Bleau qualifie l’anxiété comme un type de peur particulier. « Nous tentons de préparer un plan thérapeutique qui amènera les gens à affronter leur peur », ajoute-t-il.
C’est le médecin de famille de madame Connor qui l’a aiguillée vers le PAC. Un psychiatre s’est occupé de sa médication et elle a consulté un psychologue. « J’avais besoin des deux pour me rétablir, explique madame Connor. J’ai rencontré mon psychologue toutes les semaines pendant un an, et nous avons pu aborder de nombreux problèmes et déclencheurs sur lesquels je devais travailler. Avec beaucoup de travail et d’engagement, je peux maintenant affronter les sentiments et les émotions qui s’associent à ce trouble. »
Madame Connor était impressionnée que la clinique encourage la participation du partenaire au processus thérapeutique. « Quand j’allais vraiment mal, mon psychologue parlait avec mon mari, avec mon consentement, pour lui expliquer comment me soutenir, explique-t-elle. Mon mari ne savait pas quoi faire. Il se sentait très coupable de ne pas avoir été là pour me protéger. Et il ne m’avait jamais vue dans cet état auparavant. J’avais toujours été extrêmement fonctionnelle. Grâce à ce soutien, il a pu m’aider à traverser les moments les plus sombres de ma vie. »
Le docteur Bleau constate encore et encore qu’il y a une vie après l’anxiété. « Les gens peuvent éprouver d’énormes souffrances à cause de ce trouble, observe-t-il, mais grâce au traitement, plus de 70 % des patients se débarrasseront de l’anxiété, et tout comme Lynn l’a démontré, ils pourront mener une vie complètement fonctionnelle et sans souffrance. »
De gauche à droite : Daniel Zigman, psychiatre, Vicky Rochon, infirmière en psychiatrie, Pierre Bleau, psychiatre, Jennifer Russell, psychologue, coordonnateur du Programme d'anxiété, et Cara Howell, adjointe administrative.
*Qu’est-ce que le RUIS?
Dans le cadre de la prestation de meilleurs services de santé au XXIe siècle, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a créé le Réseau universitaire intégré de santé (RUIS) en 2003. Une partie du territoire du Québec a été attribuée à chacune des quatre facultés de médecine de la province, afin de faciliter les soins spécialisés, l’enseignement de la médecine et la recherche en médecine dans les diverses régions de la province.
Chaque RUIS est responsable de coordonner ses services de soins tertiaires dans ses hôpitaux d’enseignement connexes et de soutenir la formation et le perfectionnement des professionnels de la santé dans leur région correspondante.
Dans une région couvrant 63 % du territoire de la province de Québec, qui inclut sept régions administratives, 19 CSSS et quatre autres centres de santé, le RUIS McGill cherche à offrir un meilleur accès aux soins tertiaires à une population de 1,8 million d’habitants. Ce secteur couvre le Nunavik, les Terres-Cries, le Nord du Québec, l’Abitibi-Témiscamingue, l’Outaouais, l’ouest de la Montérégie et l’ouest de Montréal.