Nouvelle approche afin de mieux combattre les bactéries dites 'tolérantes' aux antibiotiques
Montréal – Une équipe de scientifiques de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) a identifié de nouveaux moyens de lutter contre les bactéries tolérantes aux antibiotiques, qui constituent une menace mondiale grandissante aussi grave que la résistance aux antibiotiques. On sait peu de choses sur les mécanismes conduisant à la tolérance, une stratégie qui rend les microbes comme « indifférents » aux antibiotiques, voire « in-tuables », et qui entraîne des infections chroniques extrêmement difficiles à traiter et à guérir.
Les chercheurs de Montréal ont identifié une nouvelle cible cellulaire susceptible d'affaiblir le pathogène bactérien appelé Pseudomonas aeruginosa, un microbe intimidant qui peut devenir très tolérant à de nombreux antibiotiques, et donc réfractaire à une antibiothérapie. Les résultats de l’équipe ont été publiés cette semaine dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
« Nous avons identifié une nouvelle fonction importante pour la tolérance aux antibiotiques, qui pourrait être ciblée pour améliorer l’activité de nos antibiotiques actuels », explique l’auteure principale de l’étude, la Dre Dao Nguyen, chercheuse au sein du Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires et professeure agrégée de médecine à l'Université McGill. « Cela est essentiel si nous voulons améliorer l'efficacité de nos antibiotiques et empêcher leur échec. »
L’infection pulmonaire par P. aeruginosa est la principale cause de mortalité chez des milliers de personnes atteintes de fibrose kystique. Cette bactérie peut également causer d'autres infections sérieuses chez les patients dont les défenses et le système immunitaire sont affaiblis.
« P. aeruginosa provoque des infections pulmonaires chroniques chez les personnes atteintes de fibrose kystique, et ces infections ne peuvent être éliminées, même avec des cocktails contenant les antibiotiques les plus puissants disponibles », dit la Dre Nguyen qui est également pneumologue au CUSM.
Une "bactérie cauchemardesque" se développant lentement
P. aeruginosa figure parmi les "bactéries cauchemardesques" aux États-Unis selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), qui recense environ 51 000 infections liées aux soins de santé chaque année, dont environ 400 provoquent un décès. C’est une cause fréquente d'infections associées aux soins de santé telles que la pneumonie, les infections du sang, les infections des voies urinaires et les infections chirurgicales.
« De nombreuses bactéries, telles que P. aeruginosa, lorsqu'elles grossissent lentement ou ne se développent pas du tout, deviennent tolérantes aux antibiotiques, explique la Dre Nguyen. Ceci est un problème crucial car de nombreuses infections chroniques sont causées par des bactéries qui se développent lentement lorsqu'elles résident dans un hôte vivant, ce qui entraîne l'échec des traitements ou des rechutes chez les patients. »
Une nouvelle cible enzymatique pour les antibiotiques
Dans cette nouvelle recherche, la Dre Nguyen et son équipe ont découvert que, lorsque la bactérie P. aeruginosa est dans un environnement stressant ou qu’elle est dépourvue de nutriments, elle s’adapte et utilise un système de signalisation et une enzyme de défense (superoxide dismutase) essentiels pour modifier sa membrane cellulaire, la rendant moins perméable aux molécules et empêchant les antibiotiques de pénétrer à l'intérieur de la cellule.
Les chercheurs ont également trouvé que l’inhibition de l’activité de l'enzyme ou du système de signalisation pourrait rendre cette dernière plus sensible aux antibiotiques.
« Jusqu'à présent, la tolérance aux antibiotiques chez les bactéries à croissance lente a été largement acceptée dans le domaine des cellules ‘dormantes’. Avec cette recherche, nous avons montré qu'il y avait plus ça, explique la Dre Nguyen. Nous avons identifié un nouveau lien entre l'enzyme de défense, la régulation de la perméabilité de la membrane et la tolérance aux antibiotiques. »
Selon les chercheurs, la découverte de cette nouvelle cible cellulaire prometteuse pourrait, à long terme, prolonger l’utilité de nos antibiotiques existants et rendre les nouveaux plus efficaces.
À propos de l’étude
L’étude intitulée Superoxide dismutase activity confers (p)ppGppmediated antibiotic tolerance to stationary-phase Pseudomonas aeruginosa a été co-écrite par Dorival Martins (premier auteur), Geoffrey McKay, Gowthami Sampathkumara, Malika Khakimov, Ann English et Dao Nguyen (auteure principale).
Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier du Burroughs Wellcome Fund (Fonds Burroughs Wellcome), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de Fibrose kystique Canada.
À propos de l’Institut de recherche du CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. L’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), situé à Montréal, au Canada, et qui offre des soins de santé complexes à la collectivité. L’IRCUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 stagiaires de recherche qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IRCUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). IRCUSM. ircusm.ca
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