Le rôle de proche aidant ne devrait pas être solitaire

Prendre soin de soi-même n'est pas toujours facile, même quand tout va bien. Mais pour les proches aidants, comme ceux qui accompagnent des patients atteints de maladies dégénératives telles que l'Alzheimer, c'est une autre histoire. Le 7 septembre 2016, les Amis du CUSM tiendront une conférence sur l'impact émotionnel et physique de la maladie d'Alzheimer chez les patients et leurs familles (voir encadré). Le Dr Jose Morais, directeur de la médecine gériatrique au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) participera à la table ronde, ainsi que la patiente du CUSM et proche aidante Claire Webster, dont la mère était atteinte d’Alzheimer.  Claire nous raconte son histoire et comment elle a appris à prendre soin d'elle-même.

Aujourd’hui âgée de 48 ans et mère de trois adolescents, Claire Webster sait depuis son plus jeune âge que le rôle de proche aidante est exigeant sur le plan physique et affectif..

Claire Webster
Claire Webster et sa mère, Vieno Leskinen Rosenberg, décédée en mai dernier après avoir vécu les dernières phases de la maladie d’Alzheimer.  

Aujourd’hui âgée de 48 ans et mère de trois adolescents, Claire Webster sait depuis son plus jeune âge que le rôle de proche aidante est exigeant sur le plan physique et affectif.

« J’étais fille unique, et j’ai grandi en voyant ma mère s’occuper de mon père, se rappelle-t-elle. Il a souffert de diverses maladies physiques pendant des années, avant de mourir d’insuffisance cardiaque congestive en janvier 2005, à l’âge de 85 ans. »

C’est autour de cette période que la mère de Claire, une jeune septuagénaire, a commencé à afficher un comportement inhabituel. Elle avait toujours été une femme forte, active et extravertie, mais était devenue repliée sur elle-même et impatiente. Souvent confuse, elle avait commencé à dire des choses étranges. Au début, Claire pensait qu’elle souffrait du stress des aidants, mais en septembre 2006, un rendez-vous chez le médecin a révélé qu’elle était plutôt atteinte de la maladie d’Alzheimer.

« Je ne peux pas vous dire le choc que ça a été pour elle et pour moi, se rappelle Claire avec beaucoup d’émotion. Je ne savais pas grand-chose de la maladie d’Alzheimer, et comme je n’ai reçu aucune information ni aucun soutien pour gérer la maladie, j’ai dû faire les recherches moi-même. »

Claire a trouvé les cinq années suivantes extrêmement difficiles à plusieurs égards. En effet, elle voyait les capacités physiques et intellectuelles de sa mère dépérir tout en tentant de gérer les autres aspects de sa propre vie.

« Ma plus grande erreur a été de vouloir être une superfemme, raconte Claire. J’étais jeune maman, femme au travail à temps plein et bénévole au sein de la collectivité. Mon rôle de proche aidante a eu des répercussions sur mon mari et mes enfants, qui souffraient en me voyant vivre autant de stress.»

Un volcan sur le point d’entrer en éruption

La situation de Claire s’est compliquée lorsque sa mère a subi une opération de la hanche et a été hospitalisée pendant six mois. Peu après, son fils de dix ans a été victime d’un grave accident qui l’a obligé à aller en réadaptation.

« J’ai dû revêtir une espèce de masque et être là pour tout le monde, mais tout ce que je voulais, c’était de m’enfouir dans mon lit et de pleurer. J’étais tellement prise dans un cycle de soins que si quelqu’un m’avait offert de l’aide, j’aurais répondu : “Non, non, merci, je vais très bien”. »

Mais Claire n’allait pas bien. Depuis l’âge de 19 ans, elle est atteinte de la maladie du nœud sinusal, une maladie cardiaque, et est soignée au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). En 2009, après le remplacement planifié de son stimulateur cardiaque, elle a développé une péricardite, c’est-à-dire une inflammation du cœur. Elle avait également d’importantes sautes d’humeur et gérait son stress en « buvant un verre de vin de trop en soirée ».

« Je me sentais comme un volcan sur le point d’exploser, se souvient-elle. J’ai fini par être atteinte d’une dépression nerveuse profonde en juillet 2011.

Conférence publique des Amis du CUSM : La maladie d'Alzheimer - L'impact émotionnel et physique sur la personne et l'entourage

  • Quand : Le 7 septembre 2016, de 19 h à 20 h 30
  • Où : Atrium de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM)
  • Coût d’entrée : 25$ (100 bons de stationnement offerts gratuitement aux premiers arrivés)

 

Claire a entrepris une thérapie, mais c’était lors d’une retraite aux États-Unis qu’elle s’est rendu compte de la colère qu’elle ressentait devant le sort réservé à sa mère.

«Ma mère avait été une proche aidante dévouée, pourquoi ne pouvait-elle pas profiter de la vie? Quand j’ai compris ma colère, j’ai pu pleurer la mère que j’avais connue et accueillir celle qu’elle était devenue à ce moment-là. »

Claire s’est occupée de sa mère pendant encore quatre ans. De retour à Montréal, elle est devenue bénévole à l’Alzheimer Groupe Inc. (AGI), un organisme sans but lucratif qui fournit des services aux personnes touchées directement et indirectement par la maladie d’Alzheimer. Elle a siégé au conseil d’administration, qu’elle a présidé de 2013 à 2015, et a fini par devenir conseillère spécialisée en soins pour l’Alzheimer. Pendant cette période, le mentorat auprès d’autres familles et défenseurs des proches aidants faisait partie de ses plus grandes joies.

« Le fait de partager mon expérience a été essentiel à mon processus de guérison, affirme-t-elle. J’ai appris à la dure qu’on ne peut pas vivre cette expérience seule, qu’il faut demander et accepter de l’aide. On ne peut pas être proche aidant tout seul. »

Récemment, Claire a fondé Passage aidant, un cabinet de consultation qui aide les proches aidants et les familles de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à affronter leur tâche de travail si exigeante. Le 7 septembre, elle participera à une conférence publique organisée par Les amis du CUSM sur la maladie d’Alzheimer, les soins à domicile et le soutien (VOIR L’ENCADRÉ). Parmi ses messages aux proches aidants, elle parlera de l’importance de s’occuper de soi.

« Votre santé doit être votre priorité. Si vous n’êtes pas en bonne santé physique et mentale, vous ne pouvez pas être un bon aidant auprès de votre proche, insiste-t-elle. Il y a de nombreux moyens d’y parvenir : faire de l’exercice, refuser les engagements qui ne sont pas vraiment importants et laisser tomber les personnes, les lieux et les choses qui n’ajoutent aucune valeur à votre vie. »

La mère de Claire est décédée en mai dernier après avoir vécu les dernières phases de la maladie d’Alzheimer.

« Je pensais être prête à sa mort, mais ce n’était pas le cas. J’ai trouvé ça très difficile et très triste de la voir souffrir. En revanche, nous éprouvons un sentiment de paix et de mon côté, je ressens de la légèreté, parce que pour la première fois de ma vie, je ne suis plus une proche aidante. Je peux maintenant me concentrer sur moi et sur ma famille. »