Infection inexplicable : du laboratoire au chevet des patients
Durant 8 ans, Martin Liard a souffert d’une masse non diagnostiquée au cerveau. Son cas était un véritable mystère pour l’élite médicale, jusqu’à ce que M. Liard rencontre Dr Donald Cuong Vinh, microbiologiste infectiologue et chercheur de renommée internationale, au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).
Dr Vinh, sur les pistes de la génétique
Dr Vinh s’intéresse aux déficits immunitaires génétiques et a mis sur pied le Programme de sensibilité aux maladies infectieuses, à l'Hôpital général de Montréal du CUSM. Son programme de recherche translationnelle (qui consiste à appliquer les constats de la recherche fondamentale aux soins aux patients) cherche à comprendre pourquoi la génétique de certaines personnes les rend plus vulnérables à des infections rares, sévères ou récurrentes.
Dr Vinh se fait parfois comparer à Dr Gregory House, de la populaire télésérie du même nom. Comme lui, il est réputé à travers le pays pour s’intéresser aux conditions médicales les plus atypiques, à l’intérieur de son champ de pratique. « J’ai peut-être certains points en commun avec lui, comme le fait d’encourager mon équipe de résidents à sortir des sentiers battus, mais je pense qu’ils me trouvent plus sympathique que lui! », dit-il en riant!
Ses publications et présentations sur le cas de M. Liard suscitent beaucoup d’espoirs dans la communauté scientifique mondiale. De plus, Dr Vinh a identifié ce même déficit immunitaire génétique dans d’autres familles francophones, et creuse ce sujet grâce au soutien de La Fondation du grand défi Pierre Lavoie.
Le casse-tête médical
Jusqu’à l’âge de 30 ans, M. Liard, géologue et père de deux jeunes enfants, était un homme actif et en santé. Mais en 2002, après avoir perdu conscience et subi de sérieuses difficultés d’élocution, il a appris qu’il avait une masse au cerveau de deux cm de diamètre.
Ont suivi huit années d’investigations médicales, pendant lesquelles M. Liard a souffert de problèmes de mémoire et de langage, de maux de têtes et de crises d’épilepsie, la masse continuant à croître, lentement. « Les médecins ont rapidement écarté la piste du cancer, parce qu’une tumeur de cette taille aurait eu des effets dévastateurs. Ils pensaient plutôt à un abcès, une bactérie ou un virus, comme le virus du sida », explique M. Liard. « Martin est surement la personne qui a été testée le plus grand nombre de fois pour le sida au Québec! » ironise Mme Côté. Toutefois, ces hypothèses ont toutes été infirmées par des examens et des biopsies.
En 2008, une ponction lombaire (prélèvement de liquide céphalo-rachidien) a donné des résultats alarmants, indiquant que M. Liard avait une infection au cerveau et que sa vie était en danger. La masse, qui avait atteint un diamètre de près de 4 cm, a été retirée et examinée en laboratoire. Les médecins ont alors appris, avec stupéfaction, qu’il s’agissait d’une infection fongique. « C’est si étrange qu’un champignon se loge au cerveau qu’un de mes médecins a cru qu’il s’agissait d’une erreur de laboratoire! » affirme M. Liard.
Malgré l’opération, l’infection n’a pas complètement disparu. Un médicament antifongique, pris en très grande quantité, a amélioré son état, sans toutefois le guérir. « J’étais moins malade, je pouvais continuer à travailler, mais je finissais tous les ans par devoir être hospitalisé quelques semaines. À l’automne 2011, ça a commencé à vraiment mal aller », se rappelle M. Liard.
La rencontre de Dr Vinh
En effectuant des recherches sur le Web, M. Liard et Mme Côté ont trouvé une pharmacienne du CUSM, Mme Sylvie Carle, qui étudiait les médicaments antifongiques. Elle les a immédiatement référés à Dr Vinh, qui a découvert assez rapidement que M. Liard avait une mutation du gène CARD 9 qui le rendait incapable de combattre une infection fongique. Avec l’accord de M. Liard, il a élaboré un plan de recherche et a étudié ses cellules en laboratoire, afin de mieux comprendre, au niveau moléculaire et cellulaire, comment la mutation de CARD 9 le rendait malade.
M. Liard a de nouveau frôlé la mort à la fin de 2011 et a été hospitalisé durant trois mois. Dr Vinh a tenté un traitement agressif à l’amphotéricine B, un médicament qui peut s’attaquer à des infections fongiques systémiques. Cela lui a finalement sauvé la vie.
Ensuite, se basant sur les résultats de ses expériences en laboratoire, Dr. Vinh a proposé à M. Liard de commencer un traitement expérimental pour éveiller son système immunitaire et éviter les récidives. Le postulat du Dr Vinh était que les cellules immunitaires de M Liard étaient affaiblies, à cause de la mutation, et donc incapables de produire la protéine nécessaire (cytokine) pour répondre à l’infection fongique.
Afin de suivre et de documenter la situation, Dr. Vinh a demandé à M. Liard de subir régulièrement des ponctions lombaires. « Après huit mois de traitement, l’état de M. Liard s’était amélioré de façon spectaculaire et, dans son liquide céphalo-rachidien, les niveaux de globules blancs, protéines et glucose étaient normaux, pour la première fois en presque 7 ans! On aurait pu croire qu’il était guéri », explique Dr Vinh. « Mais, quand on a cessé sa médication, malheureusement l’infection est revenue. Alors, on a repris le traitement, et la situation s’est rétablie ».
La famille, une ressource inestimable
Aujourd’hui, M. Liard profite du moment présent avec sa famille, qui s’est agrandie, l’année dernière, avec l’arrivée de la petite Adèle. Vingt mois après le début de son traitement immunitaire, il demeure sous médication et son état est très stable.
« Ça a été notre plus grand coup de chance de rencontrer Dr Vinh » dit-Mme Côté, qui, au fil des ans, a soutenu son conjoint et assuré un suivi constant de ses soins.
« Dr Vinh m’a sauvé. Et ma famille m’a sauvé. Dr Vinh s’investit vraiment dans mes soins, Marie-Noël m’a aidé à passer au travers de cette épreuve et mes enfants, qui ont aujourd’hui 15 et 17 ans, ont été une source de motivation sans pareil », dit M. Liard.