Nouvel espoir dans la lutte contre la douleur
Une étude internationale dirigée par des scientifiques de l’Université McGill indique, pour la première fois, que des médicaments qui ciblent de manière sélective le récepteur MT2 de la mélatonine constituent une nouvelle classe d’analgésiques susceptibles d’être utilisés chez les patients aux prises avec des douleurs neuropathiques.
La douleur neuropathique est un trouble caractérisé par une douleur intense qui apparaît parfois à la suite de l’atteinte d’un nerf causée par des affections telles que le zona, l’inflammation auto-immune ou le cancer, ou après une blessure ou une amputation. Il s’agit d’une douleur permanente qui peut persister pendant des mois ou des années.
On estime que de 7 à 8 % des adultes dans le monde souffrent de douleurs neuropathiques, et que 5 % de ces cas sont graves. Ce problème a d’importantes répercussions économiques, y compris une baisse de la productivité et des coûts substantiels liés aux soins de santé.
La mélatonine, une neurohormone présente chez les mammifères, agit sur le cerveau en libérant deux récepteurs appelés MT1 et MT2 qui assurent la régulation de plusieurs fonctions telles que le sommeil, la dépression, l’anxiété et les rythmes circadiens.
Dre Gabriella Gobbi
Une équipe de chercheurs dirigée par la Dre Gabriella Gobbi, professeure agrégée au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’Université McGill, a récemment démontré qu’une molécule appelée UCM924 ‒ un médicament ciblant le récepteur MT2 de la mélatonine ‒ permet de soulager la douleur chronique chez des modèles animaux. Ces chercheurs ont également élucidé le mode d’action de ce médicament dans le cerveau. En activant les récepteurs MT2 dans la matière grise périaqueducale (une région du cerveau qui joue un rôle important dans la maîtrise de la douleur), l’UCM924 est en mesure de mettre hors circuit les neurones qui déclenchent la douleur et de stimuler les neurones qui la soulagent. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’un article publié dans le numéro de février 2015 de la revue scientifique PAIN.
« Les médecins disposent d’un arsenal thérapeutique très limité pour la prise en charge de la douleur neuropathique, et de nombreux patients ont recours aux opioïdes », affirme la Dre Gobbi, qui est également chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. « Une utilisation prolongée de ces médicaments peut entraîner une pharmacodépendance et d’importants effets indésirables, dont la dépendance, le phénomène de tolérance, l’hyperalgésie induite par les opioïdes (abaissement du seuil de la douleur), et le risque de décès. C’est pourquoi la découverte de nouveaux analgésiques suscite un vif intérêt dans le domaine médical. »
Des études précédentes avaient révélé que la mélatonine en vente libre n’exerce qu’un effet très limité. La Dre Gobbi et son équipe ont démontré que la mélatonine exogène active à la fois les récepteurs MT1 et MT2, qui exercent des effets contradictoires et opposés, d’où son efficacité limitée.
Au cours de leurs travaux visant à évaluer l’efficacité des médicaments ciblant le récepteur MT2 dans le traitement de l’insomnie, les chercheurs ont découvert que l’UCM924 permettait également de soulager la douleur lorsqu’il était administré à de faibles doses. Ces résultats suggèrent que les médicaments de cette classe pourraient permettre de soulager la douleur pendant la journée, lorsqu’ils sont administrés à faibles doses, et l’insomnie pendant la nuit, lorsqu’ils sont administrés à des doses plus élevées. De 50 à 70 % au moins des patients qui souffrent de douleurs neuropathiques se plaignent également d’importants troubles du sommeil, et cette nouvelle étude révèle que les mécanismes de la douleur et du sommeil sont étroitement liés.
L’équipe de scientifiques est maintenant à la recherche de partenaires souhaitant poursuivre le développement clinique de ces médicaments novateurs et, ultérieurement, les commercialiser.
Des scientifiques de l’Université de Veracruz (Mexique), de l’Université de Naples II (Italie), de l’École supérieure Sainte-Anne (Italie), de l’Université de Milan (Italie), de l’Université d’Urbino « Carlo-Bo » (Italie) et de Cinvestav-Sede Sur (Mexique) ont également contribué à cette étude.
Ces travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec ‒ Santé, la Fondation canadienne pour l’innovation et le ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations.
« Selective melatonin MT2 receptor ligands relieve neuropathic pain through modulation of brainstem descending antinociceptive pathways », par Martha Lopez-Canul, Enza Palazzo, Sergio Dominguez-Lopez, Livio Luongo, Baptiste Lacoste, Stefano Comai, Debora Angeloni, Franco Fraschini, Serena Boccella, Gilberto Spadoni, Annalida Bedini, Giorgio Tarzia, Sabatino Maione, Vinicio Granados-Soto et Gabriella Gobbi. Pain. Février 2015;156(2):305-17.
DOI : 10.1097/01.j.pain.0000460311.71572.5f.