Qu'y a-t-il derrière la sensation de soif ?

Montréal – Des scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université de Duke aux États-Unis viennent de faire une percée majeure qui permet de mieux comprendre comment le cerveau détecte et prévient l’état de déshydratation. Ils ont identifié la structure d’une protéine clé dans le cerveau, qui est impliquée dans l’hydratation de l’organisme et qui pourrait contrôler la température corporelle. Les résultats de cette étude, publiés récemment dans la revue Cell Reports, ont des implications cliniques importantes car ils ouvrent la voie à la mise au point d’interventions thérapeutiques et de tests diagnostiques pour de nombreux problèmes de santé associés au déséquilibre des liquides de notre corps qui sont assez répandus aux urgences.

sensation de soif

« Nous venons d’identifier ce que nous pensons être la toute première protéine qui pourrait permettre au cerveau de contrôler la température corporelle; ce qui est important, car cette protéine est impliquée dans le circuit du cerveau qui détecte la chaleur et déclenche, pour s’adapter, la sensation de soif, dit l’auteur principal de l’étude, Dr Charles Bourque, chercheur au Centre de recherche en neurosciences de l’IR-CUSM et de la Faculté de médecine de l’Université McGill. Cette protéine, qui est un canal ionique régulant le flux d’ions à travers la membrane des cellules, jouerait un rôle crucial dans le maintien de l'équilibre des liquides du corps (eau, sang, etc.) et du niveau de sodium (sel). Modifier la régulation de cet équilibre pourrait, sachant que trop de sel peut augmenter les risques d’hypertension, provoquer la rétention de liquide à la suite d’une insuffisance cardiaque, d’une infection sévère comme le sepsis, ou bien d’un traumatisme crânien. »

L’équipe du Dr Bourque essaie de comprendre comment le cerveau contrôle l’osmorégulation, c’est-à-dire l’ensemble des phénomènes qui interviennent dans le maintien de l’équilibre de l’eau et du sodium  dans notre organisme. La perturbation de l’osmorégulation peut avoir des conséquences importantes sur la santé des individus. En effet, le sodium est nécessaire à la régulation de la quantité d'eau dans le corps et, par exemple, trop de sodium peut endommager les reins et augmenter le risque d'hypertension.

Dr. Charles Bourque, Dr Wolfgang Liedtke
Cristian Zaelzer et Dr Charles Bourque

Selon le Dr Bourque, le déséquilibre des liquides de l’organisme est une des causes les plus communes d’hospitalisation après une admission à l’urgence. L’hyponatrémie qui se traduit par un manque de sodium, en est un exemple. Lorsqu’un tel manque se produit, les niveaux d'eau de l'organisme augmentent, et les cellules du cerveau commencent à enfler, conduisant à des nausées, des vomissements et des maux de tête. L’hyponatrémie est connue pour être un problème très commun chez les adultes plus âgés et elle peut entraîner des problèmes de cognition et même des convulsions.

« Maintenant que nous connaissons la structure de cette protéine, nous pouvons essayer de comprendre  ce canal ionique est impliqué dans des troubles comme l’hyponatrémie. Cela nous donnerait des outils pour modifier les mécanismes d’action du canal et prévenir ou traiter en conséquence », dit le premier auteur, Cristian Zaelzer, postdoctorant dans le laboratoire du Dr Bourque à l’IR-CUSM.

Cette découverte découle de travaux antérieurs réalisés au laboratoire du Dr Bourque à l'Hôpital général de Montréal du CUSM. En 2006, son équipe a démontré qu'un gène appelé TRPV1 jouait un rôle essentiel dans la détection des changements affectant l’équilibre des fluides de l'organisme. Deux ans plus tard, les chercheurs ont découvert que le même gène était impliqué dans la détection de la température corporelle. Cependant, la nature de la protéine produite par le gène TRPV1 était encore inconnue.

« La collaboration avec le groupe du Dr Bourque a conduit à l'identification du canal ionique TRPV1, un canal longtemps recherché qui agit dans les neurones, leur permettant de détecter la pression osmotique et la température, explique le co-auteur principal, Dr Wolfgang Liedtke, professeur agrégé de neurologie, d’anesthésiologie et de neurobiologie à l'Université Duke. Ce canal ionique s’active lors d’un état de déshydratation, éveillant les neurones situés dans une partie du cerveau appelée l'hypothalamus, qui permet au corps de maintenir l’équilibre des fluides. Cela permet au corps de maintenir l’équilibre des liquides corporels, grâce au déclenchement de la sensation de soif et de la  sécrétion de  vasopressine – une hormone antidiurétique qui agit pour favoriser la rétention d'eau par les reins. »

« Ce qui est intéressant c’est que nous avons également montré que ce canal ionique est un produit alternatif du gène TRPV1 qui normalement code pour le récepteur de la capsaïcine qui détecte le piquant du poivre ou du piment fort, ajoute le Dr Bourque. C’est comme si la nature avait conçu un récepteur au sodium à partir d’un récepteur au piquant! »

Au sujet de l’étude 

Ces travaux ont été subventionnés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). L’article DN-TRPV1: A Molecular Co-detector of Body Temperature and Osmotic Stress est disponible en ligne sur le site de la revue Cell Reports (Open Access). 

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’Institut compte plus de 500 chercheurs et plus de 1 200 étudiants qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative au site Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. Plus de 1 600 projets de recherche et essais cliniques y sont menés chaque année. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). www.ircusm.ca 

  

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