De quelques gouttes de sang… à une percée majeure en immunologie

Montréal – Des scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR CUSM) semblent avoir percé les secrets du fonctionnement des cellules « garde-fou » de notre système immunitaire : les lymphocytes T régulateurs. Ces cellules appelées plus couramment Treg sont cruciales, car elles régulent la réponse d’autres lymphocytes afin d’éviter des réactions excessives de notre système immunitaire. Les résultats de cette étude publiée dans la revue Science Immunology pourraient avoir une incidence majeure sur notre compréhension et le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires chroniques, mais aussi de l’asthme, des allergies et du cancer.

Ganglion lymphatique à l’intérieur duquel on peut observer des lymphocytes T normaux (en rouge) et des Treg régulées par le gène FOXP3 gene (en verts).

Ganglion lymphatique à l’intérieur duquel on peut observer des lymphocytes T normaux (en rouge) et des Treg régulées par le gène FOXP3 gene (en verts). Les ganglions lymphatiques sont de petits organes qui font partie du système lymphatique qui joue un rôle important dans la défense de l'organisme contre les infections.
Technique utilisée: Microscopie confocale
Crédit : Ciriaco Piccirillo, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill

C’est en s’intéressant à une mutation rare du gène humain appelé FOXP3 que les chercheurs ont compris le fonctionnement des cellules Treg. L’importance du gène FOXP3 dans le bon fonctionnement de ces cellules était déjà bien documentée, mais ses mécanismes n’étaient pas encore clairs pour les scientifiques.

« Nous avons découvert que cette mutation du gène FOXP3 affecte la capacité des cellules Treg à contrôler le système immunitaire, en conduisant ce dernier à réagir de manière excessive et à créer une réponse inflammatoire », explique l’auteur principal de l’étude, le Dr Ciriaco Piccirillo, immunologue et scientifique à l’IR-CUSM au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale, et professeur en immunologie à l’Université McGill. « Cette découverte jette un éclairage précieux sur la façon dont les Treg prennent naissance et peuvent être régulées. »

L’équipe a pu faire cette découverte grâce à une collaboration internationale qui a utilisé la technologie de pointe de la plateforme d’immunophénotypage à l’IR-CUSM. Quelques gouttes de sang d’un seul patient ont suffi. Il s’agissait d’un nouveau-né de cinq semaines qui est décédé en 2009 d’une anomalie génétique héréditaire rare et souvent fatale appelée IPEX. Au cours des 40 dernières années, on a recensé moins de 200 cas d’IPEX dans le monde entier. On sait que plus de 60 mutations différentes du gène FOXP3 peuvent causer l’IPEX, et donneraient lieu à des cellules Treg non fonctionnelles.

« Ce qu’il y avait de particulier avec ce cas clinique d’IPEX, c’est que les cellules Treg du jeune patient étaient pleinement fonctionnelles, sauf pour un élément essentiel : leur capacité à stopper la réponse inflammatoire », dit le Dr Piccirillo.

« La compréhension de cette mutation spécifique nous a permis de voir que de nombreuses formes plus légères de maladies inflammatoires chroniques ou de maladies auto-immunes pouvaient être liées à des altérations du fonctionnement de FOXP3 », ajoute le premier auteur de l’étude, Khalid Bin Dhuban, stagiaire postdoctoral dans le laboratoire du Dr Piccirillo.

De la biologie fondamentale au traitement clinique

Dr Ciriaco Piccirillo

Dr Ciriaco Piccirillo, immunologue et scientifique au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l'IR-CUSM

Les chercheurs ont déjà mis au point une molécule qui pourrait redonner aux cellules Treg leur capacité à réguler le système immunitaire chez les patients porteurs de cette rare mutation. Ce médicament a déjà été testé sur des modèles animaux, et les chercheurs ont bon espoir de pouvoir développer des traitements similaires qui seront applicables à d’autres maladies associées à des cellules Treg légèrement défectueuses, comme l’arthrite, le diabète de type 1, la sclérose en plaques ou encore le lupus.

« À l’heure actuelle, pour agir sur plusieurs maladies auto-immunes et inflammatoires, nous devons désactiver tout le système immunitaire du patient par des traitements suppresseurs agressifs, explique le Dr Piccirillo. Notre objectif est d’intensifier le comportement de ces cellules Treg dans certains cas, notamment lorsque les patients sont atteints de maladies auto-immunes, et à les désactiver dans d’autres contextes, comme en cas de cancer. Grâce à cette découverte, nous faisons un grand pas dans la bonne direction. »

Le Dr Ciriaco Piccirillo est également le directeur du Centre d’excellence d’immunologie translationnelle qui est basé à l’Institut de recherche du CUSM et dont l’objectif est de soutenir les recherches fondamentales et cliniques axées sur la compréhension et le traitement des maladies immunitaires.

Les lymphocytes T régulateurs : qu’est-ce-que c’est?

Les cellules Treg sont considérées comme étant le centre de régulation principal du système immunitaire. Ce sont des globules blancs d’un type particulier qui empêchent d’autres cellules immunitaires ou lymphocytes d’attaquer nos propres tissus tout en contrôlant les réponses immunitaires aux micro-organismes et aux autres agents non pathogènes, comme la nourriture. Elles évitent ainsi une inflammation trop importante, qui pourrait endommager notre organisme, et permettent un retour à la normale une fois la menace éliminée.

 

À propos de l’étude

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Programme des chaires de recherche du Canada, les National Institutes of Health et l’Abramson Family Cancer Research Institute.

Pour en savoir plus, consultez l’étude. DOI : 10.1126/sciimmunol.aai9297

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca

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