Percée scientifique : nouvelle cible prometteuse pour l’immunothérapie
Alors que l’attention mondiale, à la suite du prix Nobel 2018 de médecine, est plus que jamais tournée vers les promesses de l’immunothérapie en cancérologie, les travaux d’une équipe internationale jettent un nouvel éclairage sur une molécule appelée TIM-3 qui jouerait un rôle clé dans la régulation de la réponse immunitaire.
Des scientifiques et médecins de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM (HME-CUSM), en collaboration avec des équipes françaises de l'AP-HP (hôpital Necker-Enfants malades et Saint-Louis), de l’Inserm, de l’Université Paris-Descartes, de l’Université Paris-Diderot et de l’Institut Imagine à l’hôpital Necker- Enfants malades, viennent de montrer que cette protéine est la prochaine cible « sous les projecteurs » pour des traitements par immunothérapie chez les patients atteints de cancer et d’autres maladies.
« Cette étude place la protéine TIM-3 au cœur de la régulation du système immunitaire. Cela renforce son utilisation comme cible dans les immunothérapies afin de déclencher des réponses immunitaires intensifiées chez certains patients atteints de cancers », dit la Dre Nada Jabado, co-auteure principale de cette étude et chercheuse au sein du Programme en santé de l'enfant et en développement humain à l’IR-CUSM et hémato-oncologue à l’HME-CUSM.
Les chercheurs ont montré que lorsque la protéine TIM-3 est supprimée ou inactive, le système immunitaire devient complètement déréglé et les lymphocytes T sont suractivés de façon incontrôlée – résultant en une forme rare de lymphome (cancer des lymphocytes): lymphome T sous-cutané de type panniculite (LTSCP).
L’équipe a identifié deux mutations fondatrices à l’origine de ce syndrome, qui empêchent la protéine TIM-3 de s’exprimer à la surface des lymphocytes, et donc d’attaquer les cellules cancéreuses. Ils se sont également aperçus, au fil des recherches, que cette forme de lymphome associée à la suractivation de la réponse immunitaire était un syndrome plus répandu qu’ils ne le pensaient.
Ces résultats, qui amènent les chercheurs à considérer cette forme de lymphome comme une nouvelle maladie génétique, font l’objet d’une publication dans la revue scientifique Nature Genetics, lundi 29 octobre.
Une énigme médicale résolue grâce à une collaboration internationale
« Tout a commencé, ici, à Montréal, avec un frère et sa sœur atteints d’une forme rare de lymphome, et ça a abouti à l’identification d’un syndrome génétique beaucoup plus répandu à travers l’Asie du Sud-Est, la Polynésie, l’Australie et l’Europe », lance le premier auteur de l’étude, Tenzin Gayden, chercheur post-doctoral à l’IR-CUSM, dans le laboratoire de la Dre Jabado.
Durant l’hiver 2016, les Drs David Mitchell et Sharon Abish, hémato-oncologues à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM, approchent la Dre Jabado, quand leur patiente âgée de 9 ans présente exactement les mêmes symptômes que son frère cadet, traité un an auparavant pour le LTSCP. La fillette a de longs épisodes de fièvre et commence à avoir des œdèmes sur la peau.
Soupçonnant une cause génétique, l’équipe se penche sur cette énigme médicale. Utilisant les techniques de séquençage génétique de pointe du Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill, les chercheurs découvrent alors que les deux enfants malades sont porteurs de la même mutation sur un gène appelé HAVCR2 qui code pour TIM-3 et qu’elle a été transmise par leurs parents.
En discutant avec des collaborateurs en Australie et en France, l’équipe s’aperçoit qu’ils ont eux aussi des cas similaires de patients porteurs de la même mutation (Tyr82Cys), qui semblent pour la plupart être de descendance est-asiatique ou polynésienne. Une autre mutation (Ile97Met), sur le même gène, est identifiée chez des patients d’origine européenne. En tout, ce sont 17 cas pédiatriques et adultes qui font l’objet de cette publication scientifique.
Au-delà du cas rare de lymphome…
Dans la majorité des pays du monde, ces cas précis de lymphome sont traités comme des cancers alors qu’en réalité, ce sont des réponses intensifiées de notre système immunitaire.
« Pour ces patients atteints de cette forme rare de lymphome, nos résultats renforcent l’utilisation de, traitements immunosuppresseurs qui vont donner de bien meilleurs résultats et moins d’effets secondaires que les chimiothérapies cytotoxiques », dit la Dre Nada Jabado qui est également professeure de pédiatrie et de génétique humaine à l’Université McGill.
Les chercheurs tentent maintenant de voir si des patients atteints de maladies auto-immunes comme le lupus – maladie où le système immunitaire se retourne contre l’organisme lui-même – n’auraient pas de dysfonctionnement au niveau de TIM-3. Il y aurait également des avenues prometteuses pour le traitement et la compréhension de la sclérose en plaques, ou bien des maladies infectieuses comme le VIH/Sida ou le paludisme.
« Nous nous réjouissons que les résultats de recherche de Dre Jabado et de ses collègues aient mené à la découverte d’une nouvelle cible pour des traitements par immunothérapies. Nous avons cru en ses projets depuis ses débuts et sommes heureux d’avoir contribué à cette découverte d’envergure. Cette nouvelle confirme l’importance de fournir le financement nécessaire aux chercheurs afin qu’ils fassent progresser la recherche pédiatrique et qu’ils puissent donner de l’espoir aux enfants malades et à leur famille », dit Josée Saint-Pierre, présidente et directrice générale de la Fondation des étoiles.
À propos de l’étude
Ces travaux ont été rendus possibles grâce au soutien financier de la Fondation des étoiles, de l’INSERM, le CNRS, de l’AP-HP, l’Université Paris-Descartes et le Collège de France.
À propos de l’Institut de recherche du CUSM: L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 420 chercheurs et près de 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS) rimuhc.ca
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