Joanna reçoit un nouveau rein... et se fait une amie

Joanna and Annie

Une formidable histoire d’amitié a vu le jour entre les murs du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), une de celles qui nous rappellent qu’il ne faut pas hésiter à faire preuve de générosité. Au début de l’année 2023, Annie Devost (gauche) s’est portée volontaire pour faire le don d’un rein. La bénéficiaire était Joanna Love (droite) qui a ainsi pu être sauvée par l’altruisme de celle qui était alors une inconnue. Or depuis ce moment, deux femmes sont devenues des amies chères. 

Joanna Love se souvient du moment où son chirurgien est entré dans la salle pour lui faire part des nouvelles concernant son donneur de rein : « L’opération du donneur s’est déroulée avec succès, a déclaré le Dr Liane Feldman. « Vous allez avoir un très, très bon rein ! » 

Ces mots ont ravivé la confiance de Joanna avant qu’elle ne soit opérée pour sa greffe. Joanna pourrait enfin recevoir un nouveau rein en excellente santé venant d’une étrangère, un rêve improbable devenu réalité. On venait de dire à Joanna qu’elle resterait probablement sur la liste d’attente pendant au moins quatre ou cinq ans en raison du manque de donneurs vivants au Québec. Alors qu’elle s’attendait à passer encore de nombreuses années à subir des traitements hebdomadaires, avec son nouveau rein, elle a pu arrêter la dialyse.  

Elle était assise dans son lit après l’opération, encore abasourdie par tout ce qui s’était passé, lorsqu’un membre de l’équipe soignante est entré dans la chambre : « C’est de la part de votre donneur », dit Georgia George en posant une enveloppe beige sur la table. « Votre donneur vous a écrit une lettre ! » 

Joanna se souvient avoir retourné la lettre entre ses doigts alors qu’elle attendait avec impatience l’arrivée de son mari à l’hôpital. Enfin arrivé, Joanna lui lit la lettre à haute voix et ils sont tous deux bouleversés par les mots d’amour rédigés par la donneuse. La rédaction de la lettre avait demandé à Annie plusieurs ébauches. Elle avait aussi dû verser de nombreuses larmes avant d’arriver à une lettre idéale.  

« Aucune d’entre nous ne connaissait l’autre personne, car il existe des lois strictes qui protègent le droit à l’anonymat du donneur et du receveur », explique Joanna. « Je voulais absolument rencontrer la personne qui m’avait donné l’organe. J’étais stupéfaite que celle-ci m’ait écrit et qu’elle soit prête à me rencontrer », se souvient-elle joyeusement.  

Joanna et Annie se remettent alors tranquillement de leurs opérations respectives. À ce moment-là, les deux femmes ne savent toujours rien l’une de l’autre. 

 

Comme une amie perdue de vue depuis longtemps. 

Quelques semaines plus tard, quelque chose d’extraordinaire arrive à la porte d’Annie Devost : une lettre de réponse en provenance de la bénéficiaire de son rein ! 

« Le jour où j’ai reçu la lettre, j’avais des courses à faire. Je me souviens m’être dit : je vais lire la lettre et je vais aller faire mes courses. Eh bien, dans cette lettre, Joanna me révélait son identité. J’ai complètement oublié les courses et tout le reste aussi d’ailleurs », se rappelle Annie en riant et en pleurant en même temps. « Je savais maintenant exactement à qui j’avais fait un don, une femme dénommée Joanna ! Elle me disait qu’elle avait deux enfants, qu’elle voulait me rencontrer ! Mon cœur a été instantanément envahi d’un sentiment intense, d’un bonheur inouï. » 

Joanna et Annie ont choisi un endroit agréable et tranquille, près d’un lac entouré de montagnes, pour leur rencontre en tête-à-tête. Toutes deux sont arrivées avec des papillons dans l’estomac et des questions plein la tête. Mais dès qu’elles se sont vues, les barrières sont tombées. Annie s’est précipitée vers Joanna, l’embrassant chaleureusement et sincèrement comme le ferait une amie perdue de vue depuis longtemps. 

« Vous savez quand vous rencontrez quelqu’un et que vous avez l’impression de le connaître depuis très longtemps ? C’est ce que j’ai ressenti avec Annie. Il n’y avait plus d’obstacle entre nous et nous avons parlé de tout. La première question que je lui ai posée a été : Pourquoi as-tu fait ça ? Je n’ai pas arrêté de lui dire : Je ne comprends pas comment tu peux faire ça de manière aussi désintéressée. »

« J’ai quitté cette réunion en me sentant si merveilleusement bien », partage Annie. « Mon cœur était léger. Joanna est une personne magnifique. Je suis tellement privilégiée ! » 

 

Une précieuse vérité fait surface 

Depuis qu’elles se sont révélé leur identité, Joanna et Annie ont aussi pu se confier mutuellement les histoires les plus marquantes de leur vie : les essais et les erreurs, les tribulations et les victoires. 

« Une des principales raisons pour lesquelles j’ai décidé de devenir donneuse vivante est que je traversais une période assez sombre à la suite du décès de ma mère », confie Annie. « Comme je n’ai pas d’enfant, j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose de valable, de redonner la vie à quelqu’un. » 

Enfin, Annie nous révèle un autre détail intéressant de l’histoire : « Lorsque je suis allée me faire opérer, se souvient elle, au fond de moi je sentais que le receveur était aussi là, à l’Hôpital Royal Victoria. C’est comme si je ressentais cette présence, sans en avoir de preuve… Mon rein aurait pu être envoyé à n’importe qui ailleurs au Québec. Depuis, Joanna a confirmé qu’elle était bel et bien à l’hôpital ce jour-là ! Le jour de mon opération, Joanna se reposait en fait quelques étages au-dessus ! Cela est très significatif pour moi. », confie Annie. 

Annie encourage vivement les gens à envisager le don d’un rein pendant qu’ils sont encore en vie. Elle conseille aux gens d’entamer le processus de sélection pour voir s’ils sont admissibles.  

« L’hôpital doit s’assurer que vous êtes en pleine forme avant d’accepter que vous deveniez un donneur vivant », explique-t-elle. « Vous pouvez interrompre le processus en tout temps, si vous changez d’avis. Il n’y a aucune pression, ce qui vous met à l’aise tout au long du processus. » 

« Je suis très heureuse d’avoir fait ça. J’ai été inspirée par une histoire que j’avais entendue à la radio. Peut-être que quelqu’un sera aussi inspiré par mon histoire avec Joanna. Si au moins une seule personne peut l’être, cela nous ferait vraiment croire en l’humanité ».