Lever le voile sur les causes génétiques de la paralysie cérébrale

Bennett n’avait que quelques mois lorsqu’Emily Diamond et son mari ont commencé à remarquer des signes anormaux dans le comportement de leurs fils.

« J’avais quelques doutes au fond de moi mais j’essayais de trouver des excuses pour expliquer son retard, confie Mme Diamond. Bennett avait du mal à se tenir en position assise, il ne mettait rien dans sa bouche, et il se crispait dès qu’il touchait le sol avec ses pieds. »

Emily Diamond et son fils Bennett
Emily Diamond et son fils Bennett
Faire notre possible pour offrir à Bennett une vie normale comme tout autre petit garçon est très important pour mon mari et moi, confie Mme Diamond. C’est certain qu’on ne peut s'empêcher d'espérer qu'un traitement viendra un jour guérir Bennett mais pour l'instant, on essaie avancer d'un pas à la fois.

Au fur et à mesure que le petit Bennett grandissait, les comportements suspects étaient de plus en plus fréquents. Le couple a décidé d’aller consulter un médecin et le diagnostic est tombé : Bennett était atteint de paralysie cérébrale, un syndrome neurodéveloppemental affectant la motricité et la force musculaire dès le plus jeune âge chez l’enfant.

Bennett est un des 4000 enfants qui sont atteints de paralysie cérébrale au Québec. C’est la principale cause d’incapacité physique chez les enfants qui se manifeste par des problèmes de développement moteur dès leur jeune âge, souvent accompagnés d’épilepsie, de troubles d’apprentissage et du langage ainsi que d’une déficience auditive ou visuelle.

La paralysie cérébrale est causée par une anomalie ou un problème qui survient dans le cerveau encore en développement. Elle peut se produire avant, pendant ou après la naissance jusqu’à l’âge de deux ans.  Les causes sont diverses – asphyxie à la naissance, accident cérébro-vasculaire, infection du cerveau en développement chez l’enfant ou traumatisme crânien – mais ne sont pas toujours connues.

Le rôle de la génétique

Une équipe de scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et de l’Hôpital Sick Kids de Toronto viennent ajouter une pièce au puzzle en avançant la théorie de la causalité génétique. 

« Nous avons trouvé un plus grand pourcentage de nouvelles mutations génétiques chez les enfants avec la paralysie cérébrale que ce qui avait été rapporté précédemment par des chercheurs pour d’autres troubles neurologiques comme l’autisme, l’épilepsie ou la déficience intellectuelle, affirme une des chercheuses de l’équipe, la Dre Maryam Oskoui, neurologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et co-directrice du Registre canadien de paralysie cérébrale. La composante génétique de la paralysie cérébrale est beaucoup plus importante qu’on le croyait auparavant. Une meilleure compréhension de l’interaction entre ces facteurs génétiques et d’autres facteurs de risque établis est importante. »

Les chercheurs ont effectué des tests génétiques chez 115 enfants ayant la paralysie cérébrale ainsi que chez leurs parents, qui faisaient partie du Registre canadien de paralysie cérébrale et dont bon nombre présentaient d’autres facteurs de risque connus. En ne cherchant que les perturbations génétiques majeures, ils ont découvert que dix pour cent de ces enfants présentaient des anomalies.

« Lorsque j’ai montré les résultats à nos généticiens, ils ont été abasourdis, explique Dr Stephen Scherer, directeur du Centre de génomique appliquée à SickKids. Suite à ses résultats, nous proposons d’intégrer les analyses génétiques dans l’évaluation diagnostique de la paralysie cérébrale. »

L’étude a également démontré que de nombreux gènes interviennent dans la paralysie cérébrale. 

« Il est important de découvrir une cause sous-jacente à l’incapacité d’un enfant pour la prendre en charge, précise Dr Michael Shevell, co-directeur du Registre canadien de paralysie cérébrale et chef du département de pédiatrie de l’HME-CUSM. Les parents veulent savoir pourquoi leur enfant a des problèmes particuliers. Lorsqu’on  trouve une raison précise, on ouvre de nouvelles perspectives pour favoriser la compréhension d’une maladie, développer de nouveaux traitements, faire de la prévention et la réadaptation. Cette étude fournira l’élan nécessaire pour que les tests génétiques deviennent partie intégrante de l’évaluation complète des enfants atteints de paralysie cérébrale. »

Savoir pour être mieux préparé

Dans le cas de Bennet, l’origine de sa condition serait probablement due à un anévrisme qu’a eu Mme Diamond à 18 semaines de grossesse. Son mari l’avait alors retrouvée inconsciente à leur domicile, et elle avait passé plusieurs semaines à l’hôpital.

« Même si dans notre cas, il est clair que mon trauma a certainement déclenché la condition de Bennett, cette nouvelle recherche qui ouvre la porte vers la piste de la génétique peut apporter une réponse à d’autres parents qui ignorent la cause de la maladie de leur enfant », dit-elle.

Dr Michael Shevell, co-directeur du Registre canadien de paralysie cérébrale et chef du département de pédiatrie de l’HME-CUSM et la Dre Maryam Oskoui, neurologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et co-directrice du Registre canadien de paralysie cérébrale here
Dr Michael Shevell, co-directeur du Registre canadien de paralysie cérébrale et chef du département de pédiatrie de l’HME-CUSM et la Dre Maryam Oskoui, neurologue pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et co-directrice du Registre canadien de paralysie cérébrale
Il est important de découvrir une cause sous-jacente à l’incapacité d’un enfant pour la prendre en charge. - Dr Michael Shevell

« C’est important pour les familles de savoir car ils peuvent mieux se préparer, ajoute la Dre Oskoui, qui suit Bennett depuis qu’il a deux ans. Les tests génétiques ne sont pas effectués ni recommandés systématiquement, et les causes génétiques sont rarement analysées, sauf lorsqu’on ne trouve pas d’autre origine à la maladie. »

Deux nourrissons sur mille sont touchés par la paralysie cérébrale, mais ils présentent des profils très variables. Certains enfants ont peu de symptômes, tandis que d’autres sont incapables de marcher seuls ou de communiquer. 

La Dre Oskoui souligne que ces travaux pourraient avoir des conséquences majeures sur la prévention et le traitement des enfants souffrants de paralysie cérébrale ainsi que sur les conseils thérapeutiques qui leur sont donnés.

En attendant que la recherche apporte plus de réponses, Bennett, lui, est à la veille de terminer sa première année de prématernelle au Centre de réadaptation MAB-Mackay qui a pour mission d’aider, entre autres, les enfants et adolescents ayant des déficits moteurs ou des troubles de communication à maximiser leur autonomie et leur participation à la vie de leur communauté dans le but d’améliorer leur qualité de vie.

« Faire notre possible pour offrir à Bennett une vie normale comme tout autre petit garçon est très important pour mon mari et moi, confie Mme Diamond. C’est certain qu’on ne peut s'empêcher d'espérer qu'un traitement viendra un jour guérir Bennett mais pour l'instant, on essaie avancer d'un pas à la fois. »