L’immunothérapie, un nouvel espoir pour contrôler le VIH sans traitement quotidien
Un premier essai clinique chez l’humain d’un médicament anti-PD-1 chez des personnes vivant avec le VIH confirme la sécurité du traitement et montre un potentiel de contrôle viral sans médicament.
Le VIH demeure un important problème de santé mondiale, touchant près de 40 millions de personnes à travers le monde. Les traitements actuels, appelés thérapies antirétrovirales (TAR), sont très efficaces pour supprimer le virus et prévenir la maladie, mais ils ne permettent pas de guérison et doivent être pris à vie.
De nouveaux résultats prometteurs issus d’un essai clinique de phase 1 sur une immunothérapie couramment utilisée en oncologie offrent un nouvel espoir. Publiée dans Nature Medicine, cette étude randomisée, à double insu et contrôlée par placebo, a évalué l’innocuité et la tolérabilité du budigalimab, un anticorps monoclonal ciblant la protéine de mort cellulaire programmée 1 (PD-1), chez des personnes vivant avec le VIH. Les résultats montrent non seulement que de courtes séries d’injections à faible dose de ce traitement sont sécuritaires, mais suggèrent également qu’elles pourraient avoir retardé la résurgence du virus (rebond viral) chez certains participants après l’arrêt de leur traitement antirétroviral habituel.

« Pour la première fois, nous avons testé à faible dose un médicament d’immunothérapie contre le cancer — un traitement anti–PD-1 — chez des personnes vivant avec le VIH afin de voir s’il pouvait aider à contrôler le virus sans traitement antirétroviral quotidien, » explique le Dr Jean-Pierre Routy, investigateur principal de l’étude et scientifique principal au sein du Programme en maladies infectieuses et immunité en santé mondiale de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (L’Institut). « Le médicament a été bien toléré, et un contrôle viral prolongé a été observé chez environ un tiers des participants qui semblaient répondre au traitement. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une guérison, ces résultats laissent penser que le renforcement de la réponse du système immunitaire pourrait aider à maintenir le virus sous contrôle chez certaines personnes. »
Depuis près de deux décennies, les scientifiques cherchent des moyens de contrôler le VIH sans traitement à vie, en ciblant la voie du PD-1. Chez les personnes vivant avec le VIH, cette voie agit comme un « frein » sur les lymphocytes T (des cellules immunitaires), les épuisant et permettant au virus de persister. Avant cet essai, des études précliniques avaient montré que les inhibiteurs de PD-1 pouvaient aider à lever ce frein et à redynamiser les cellules immunitaires, leur permettant ainsi de combattre le virus plus efficacement.
« Pour qu’un traitement antirétroviral soit efficace, il doit être pris quotidiennement, mais des enjeux liés à la stigmatisation, aux effets secondaires ou à la santé mentale rendent parfois cette routine difficile à maintenir », explique le Dr Jean-Pierre Routy, également professeur de médecine à l’Université McGill et directeur clinique du Service des maladies virales chroniques au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). « L’immunothérapie pourrait aider le système immunitaire à contrôler le VIH sans traitement quotidien, ouvrant la voie à des périodes de contrôle viral sans médicament et, éventuellement, à une guérison fonctionnelle. »
« Cela dit, l’effet observé dans ce premier essai était partiel et limité à un sous-groupe de participants. D’autres études seront nécessaires pour combiner cette approche à d’autres immunothérapies et déterminer quelles personnes sont les plus susceptibles d’y répondre, » ajoute-t-il.
Faits saillants de l’étude
L’étude a porté sur 41 participants répartis dans 11 sites — neuf aux États-Unis, un au Canada (au Service des maladies virales chroniques du CUSM) et un en Australie — et s’est déroulée en deux étapes. Des doses plus faibles ont été utilisées lors de la première étape, et les données préliminaires obtenues ont servi à établir le dosage de la deuxième étape.
Les effets indésirables observés étaient légers à modérés, ouvrant la voie à un essai clinique de phase 2. Les faibles doses utilisées — bien inférieures à celles habituellement administrées en oncologie — ont été choisies afin d’améliorer la sécurité et la tolérabilité du traitement chez les personnes vivant avec le VIH.
Les résultats indiquent que, chez six des onze participants ayant reçu le traitement à la deuxième étape de l’étude, la résurgence du virus a été retardée. Deux d’entre eux ont pu demeurer sans traitement antirétroviral pendant plus de six mois sans présenter de rebond viral. Aucun des participants du groupe placebo n’a présenté un tel effet.
« Les traitements actuels contre le VIH et les thérapies expérimentales à base d’anticorps ne fonctionnent que tant que les médicaments demeurent actifs dans l’organisme, explique le Dr Routy. Ce qui est remarquable ici, c’est que certains participants ont maintenu le virus sous contrôle même lorsque le médicament anti–PD-1 n’était plus détectable dans leur corps. Cela suggère que cette thérapie pourrait aider à réparer et à renforcer la capacité du système immunitaire à contrôler le VIH par lui-même. »
Lors de la première étape de l’essai, dix participants ont reçu le budigalimab à très faible dose (2 mg), dix autres à dose plus élevée (10 mg), et cinq ont reçu un placebo. Tous ont reçu deux injections le premier jour, puis deux autres quatre semaines plus tard. Après la dernière dose, ils ont interrompu leur traitement antirétroviral habituel et ont été suivis de près par l’équipe de recherche.
Lors de la deuxième étape de l’essai, un autre groupe de participants a reçu quatre séries de quatre injections de budigalimab à 10 mg (n = 11) ou de placebo (n = 5), espacées de deux semaines (soit au jour 1, puis à deux, quatre et six semaines). Ce groupe a interrompu son traitement antirétroviral dès le jour 1 et a été suivi de près par l’équipe de recherche.
Les auteurs de l’étude ont indiqué que la majorité des participants étaient des hommes cisgenres, ce qui ne représente pas la diversité des personnes vivant avec le VIH. Ils ont souligné la nécessité d’une participation plus inclusive dans les études à venir, notamment de la part des femmes, afin d’évaluer l’éventuelle influence de facteurs hormonaux sur les résultats du traitement.
Les racines montréalaises d’une découverte prometteuse
La voie PD-1 a été découverte pour la première fois par le scientifique japonais Tasuku Honjo, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine en 2018 pour ses travaux pionniers. S’appuyant sur cette découverte, les chercheurs montréalais Rafick-Pierre Sékaly et Lydie Trautmann de l’Université de Montréal, en collaboration avec le Dr Jean-Pierre Routy de L’Institut, ont été parmi les premiers, en 2006, à démontrer sur des cellules de patients VIH qu’en bloquant PD-1, il était possible de restaurer la réponse immunitaire contre le VIH (en laboratoire). Leurs travaux, suivis d’études concluantes sur des modèles animaux, ont jeté les bases des recherches cliniques actuellement menées chez l’humain.
À propos de l’étude
“Budigalimab, an anti-PD-1 inhibitor, for people living with HIV-1: a randomized, placebo-controlled phase 1b study” par Moti N. Ramgopal, Jacob P. Lalezari, Ana Gabriela Pires dos Santos, Preethi Krishnan, Tanaya R. Vaidya, Fei Zhou, Heide Betman, Patrick Dorr, Nael M. Mostafa, Maria L. Alcaide, Franco Felizarta et Jean-Pierre Routy a été publié dans Nature Medicine.
DOI: 10.1038/s41591-025-03993-0
L’essai a été commandité par AbbVie.
À Montréal, au Canada, l’essai a été mené par l’équipe de recherche du Service des maladies virales chroniques, rattachée à L’Institut, dont les contributions ont été essentielles au succès de l’étude. Ce groupe multidisciplinaire comprenait des infirmières de recherche, des co-investigateurs, des coordonnateurs de recherche clinique, des coordonnateurs de données et de laboratoire, des spécialistes de la réglementation, des gestionnaires de projet et des associés de recherche. Leur travail a été déterminant pour la coordination des visites des participants, la gestion des données du site, le respect des exigences réglementaires et la prestation de soins de grande qualité tout au long de l’essai.
Le Dr Jean-Pierre Routy a bénéficié d’un soutien à l’infrastructure de recherche de la part de L’Institut et de la Fondation du Centre universitaire de santé McGill, ainsi que des Instituts de recherche en santé du Canada par l’entremise de l’initiative Canadian HIV Cure Enterprise 3.0 (IRSC-BR4-197730).
Personne-ressource pour les médias
Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche, CUSM
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