Prévenir la tuberculose : sauver des millions de vies tout en réduisant les coûts liés à la maladie

Une étude internationale menée par Jonathon Campbell à L’Institut met en lumière les importants bénéfices sanitaires et économiques que pourrait générer l’intensification des mesures de prévention de la tuberculose.


La tuberculose demeure la principale cause de mortalité dans le monde due à un seul agent infectieux. Une nouvelle étude, récemment publiée dans le journal The Lancet Global Health et soutenue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), montre qu’un élargissement du dépistage et du traitement préventif de la tuberculose pourrait réduire considérablement son incidence et générer d’importants bénéfices économiques.

Menée au Brésil, en Géorgie, au Kenya et en Afrique du Sud, cette étude modélise les investissements nécessaires à la mise en œuvre de stratégies de dépistage et de prévention de la tuberculose auprès de populations clés — les personnes vivant avec le VIH, les contacts familiaux de patients et d’autres groupes à haut risque propres à chaque pays — ainsi que les bénéfices attendus de ces interventions. Les résultats mettent en évidence à la fois l’impact sur la santé publique et la rentabilité économique d’un élargissement de l’accès aux mesures existantes, qui échappent encore trop souvent aux populations les plus vulnérables.

Selon les estimations de l’OMS, 10,8 millions de personnes ont développé la tuberculose en 2023 et 1,25 million en sont mortes, dont 161 000 vivant avec le VIH. Pourtant, chaque année, près de 2,6 millions de personnes atteintes de tuberculose (24 %) ne sont pas diagnostiquées et n’ont donc pas accès à un traitement qui pourrait leur sauver la vie.

Jonathan Campbell

« Notre étude montre qu’il est possible d’empêcher des millions de personnes de développer la tuberculose ou d’en mourir, tout en générant d’importants bénéfices pour la société, en mettant en œuvre des interventions déjà disponibles », explique Jonathon Campbell, PhD, auteur principal de l’étude et chercheur au Programme de recherche translationnelle sur les maladies respiratoires à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (L’Institut).

Les chercheurs estiment qu’en intensifiant le dépistage et le traitement préventif de la tuberculose auprès des groupes prioritaires, il serait possible de prévenir 14 % de tous les cas en Géorgie, 15 % au Brésil, 21 % au Kenya et 26 % en Afrique du Sud entre 2024 et 2050. Le traitement préventif, à lui seul, représenterait environ le tiers de cet impact.

La prévention est essentielle, et les outils, déjà disponibles

Le dépistage de la tuberculose consiste à identifier les personnes atteintes de la maladie active au moyen d’un examen des symptômes, de radiographies pulmonaires ou de tests diagnostiques rapides. Il permet de détecter la maladie plus tôt, d’interrompre les chaînes de transmission et de protéger les personnes les plus à risque.

Une fois que la tuberculose active est exclue, un traitement préventif peut être proposé aux personnes présentant une infection latente, c’est-à-dire celles qui sont porteuses de la bactérie, mais ne présentent aucun symptôme. Ce traitement comprend généralement une prescription d’antibiotiques à prendre pendant quelques mois afin d’empêcher l’infection de se transformer en maladie active.

« Le traitement préventif joue un rôle essentiel dans la réduction de l’incidence de la tuberculose et demeure indispensable pour parvenir à son élimination, même dans les contextes à forte prévalence », ajoute le Prof Campbell, qui est également épidémiologiste et économiste de la santé au Centre International de TB McGill, ainsi que professeur adjoint au Département de médecine de l’Université McGill. « Combiné au dépistage de la tuberculose active, il permet une utilisation optimale des ressources et aide les pays à intensifier plus rapidement leurs interventions. » 

En finir avec le statu quo : investir pour éliminer la tuberculose

Dans chaque pays et pour chaque population prioritaire, l’équipe de recherche a comparé les répercussions d’un ensemble de mesures liées au dépistage et au traitement préventif de la tuberculose par rapport au statu quo, c’est-à-dire aux pratiques actuelles en matière de prévention, de diagnostic et de traitement de la tuberculose et de l’infection tuberculeuse.

Leurs projections indiquent qu’entre 2024 et 2050, chaque dollar investi par les systèmes de santé pour renforcer le dépistage et le traitement préventif de la tuberculose pourrait générer un rendement social de 51 $ au Brésil, 8 $ en Géorgie, 27 $ au Kenya et 54 $ en Afrique du Sud. Ces estimations tiennent compte de plusieurs facteurs, notamment des coûts évités grâce à la prévention des épisodes de tuberculose (tels que les dépenses liées au diagnostic et au traitement pour les systèmes de santé et les patients) ainsi que des pertes économiques évitées grâce à la diminution de la morbidité, des incapacités et des décès prématurés.

Bien que les mesures se soient révélées rentables dans tous les pays, le niveau d’investissement nécessaire variait considérablement. La part du budget des programmes nationaux de lutte contre la tuberculose requise pour mettre en œuvre ces interventions d’ici 2030 allait de 10 % en Géorgie à 67 % au Kenya.

L’étude souligne également l’importance d’adapter les stratégies aux contextes épidémiologiques locaux. Par exemple, les populations à haut risque comprenaient les personnes incarcérées ou détenues au Brésil, les individus recevant des soins pour usage de drogues injectables en Géorgie, ainsi que les habitants des régions à forte prévalence de tuberculose au Kenya et en Afrique du Sud.

« Les outils de prévention sont déjà disponibles, nous savons qu’ils sont efficaces et les pays savent quelles sont leurs populations les plus vulnérables, dit le Prof Campbell. Notre étude montre qu’en les utilisant de manière ciblée auprès des personnes les plus à risque, on peut sauver des vies tout en faisant un choix économiquement judicieux. Ces résultats devraient inciter les gouvernements et les bailleurs de fonds à investir dans le déploiement de stratégies éprouvées. »


À propos de l’étude

« The effectiveness, cost-effectiveness, budget impact, and return on investment of scaling-up tuberculosis screening and preventive treatment in Brazil, Georgia, Kenya, and South Africa: a modelling study » par Juan F Vesga, Mona Salaheldin Mohamed, Monica Shandal, Elias Jabbour, Nino Lomtadze, Mmamapudi Kubjane, Anete Trajman, Gesine Meyer-Rath, Zaza Avaliani, Wesley Rotich, Daniel Mwa, Julio Croda, Hlengani T Mathema, Immaculate Kathure, Rhoda Pola, Fernanda Dockhorn Costa, Norbert O Ndjeka, Maka Danelia, Maiko L Tonini, Nelly Solomonia, Daniele M Pelissari, Dennis Falzon, Cecily Miller, Ines Garcia Baena, Nimalan Arinaminpathy, Kevin Schwartzman, Saskia Den Boon, Jonathon R Campbell est publié dans The Lancet Global Health.

Ce travail a été soutenu par l’Organisation mondiale de la santé.

DOI: 10.1016/S2214-109X(25)00321-3 

Personne-ressource pour les médias
Fabienne Landry
Coordonnatrice des communications, Recherche, CUSM
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