Sur les pistes de la génétique

Montréal – Des chercheurs identifient la mutation génétique à l’origine des graves troubles de santé d’un patient, levant enfin le voile sur un mystère médical qui perdurait depuis plus de 30 ans. Grâce à cette découverte, ils ont développé une thérapie qui pourrait aider beaucoup de gens qui ont des problèmes liés au système immunitaire, qu’ils soient génétiques ou qu’ils découlent d’une greffe ou d’une maladie. 

«Nous avons démontré en laboratoire qu’une molécule, appelée Morpholino Antisense Oligonucleotide, pourrait corriger ce type d’anomalie génétique et permettre au système immunitaire du patient de fonctionner correctement. Cette thérapie moléculaire présente un grand potentiel pour améliorer le système immunitaire humain », explique le Dr Donald Vinh, chercheur à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et principal auteur de l’étude publiée dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology.

Steven Francis

« Enfant je devais manquer l’école régulièrement et j’avais de la difficulté à me faire des amis. J’étais souvent frustré; c’est très difficile de ne pas savoir pourquoi on est malade » confie Steven, qui a frôlé la mort plus d’une fois. 

Steven Francis, le patient du CUSM à l’origine de cette découverte, éprouve d’importants problèmes de santé depuis sa naissance. Suivi au CUSM depuis son enfance, il a enchainé infections aux sinus, infections fongiques, inflammations du colon, zona, problèmes respiratoires, insuffisance rénale et problèmes de croissance, sans que les médecins n’arrivent à identifier la cause de ses problèmes. Ils soupçonnaient une cause génétique, sans pour autant être en mesure de confirmer cette hypothèse. Sa famille est allée jusqu’à consulter, sans succès, des spécialistes aux États-Unis.

Le vent a enfin tourné en sa faveur lorsque le Dr Vinh s’est penché sur son cas, en 2012. « Quand on m’a référé ce patient, j’ai révisé tous ses dossiers médicaux des 30 dernières années, en détail. J’ai aussi pris en compte l’historique de sa famille. Depuis les années 80, beaucoup de nouveaux déficits immunitaires ont été identifiés et j’ai pu appliquer ces nouvelles connaissances pour résoudre le dossier », explique-t-il.

Le Dr Vinh a découvert que Steven Francis avait une mutation sur un gène essentiel au bon fonctionnement du système immunitaire, le gène ZAP70. Ce gène sert à la synthèse de la protéine du même nom qui permet d’activer nos lymphocytes T. Sans la protéine ZAP70, notre corps ne peut se défendre efficacement contre la majorité des infections

« Une mutation sur ce gène est reconnue comme étant fatale et le seul traitement disponible à ce jour consiste en une greffe de moelle osseuse, qui doit être réalisée avant l’âge de cinq ans. Mais avec cette découverte, nous savons maintenant que des mutations génétiques de ce type sont aussi présentes chez des adultes, ce qui pourrait mener à d’immenses progrès en recherche. Avoir trouvé la réponse à ce mystère ouvre une nouvelle porte sur la façon dont la communauté scientifique va percevoir les déficits du système immunitaire », explique le Dr Vinh. Cette découverte est d’autant plus exceptionnelle que ce gène ne peut pas être étudié chez la souris.

Dans le cas de Steven, qui a aujourd’hui 35 ans, Dr Vinh et son équipe comprennent maintenant exactement où se trouve la mutation et comment elle agit. Steven a une mutation particulière qui affecte, subtilement, l’épissage (le splicing) du gène. Elle n’affecte donc pas la séquence d’acides animés qui sert à synthétiser la protéine ZAP70. En s’inspirant d’un traitement peu connu pour traiter l’hypercholestérolémie, le Dr Vinh a réussi à développer une molécule qui bloque exclusivement la mutation tout en permettant la synthèse de la protéine normale.

En aidant Steven, les chercheurs ont prouvé dans leur laboratoire qu’il était effectivement possible de développer une thérapie moléculaire qui pourrait améliorer le système immunitaire humain. Pour le Dr Vinh, ce n’est qu’une bataille à demi gagnée, car même s’il a tous morceaux du casse-tête, le dossier n’est pas clos. « Il reste évidemment plusieurs étapes avant de pouvoir tester ce traitement. Nous devons entre autres convaincre l’industrie de nous appuyer. Lorsque Steven pourra bénéficier du traitement, je pourrai finalement dire que c’est une victoire », conclut-il.

Le Dr Vinh, sur les pistes de la génétique

Dr. Donald Vinh chercheur à l'IR-CUSM et Steven Francis

Dr. Donald Vinh chercheur à l'IR-CUSM et Steven Francis
« Je suis très content d'avoir enfin une réponse et je suis impatient de connaître la suite! » explique Steven Francis

Le Dr Vinh s’intéresse aux déficits immunitaires génétiques. Il cherche à comprendre pourquoi la génétique de certaines personnes les rend plus vulnérables à des infections rares, sévères ou récurrentes.

Dans sa clinique et son laboratoire, il reçoit des patients avec des problèmes de santé probablement immunitaire, mais dont ignore la cause. Il traite ce qu’on appelle les maladies rares ou orphelines qui touchent moins de 1 personne sur 2000.

Dr Vinh se fait parfois comparer à Dr Gregory House, de la populaire télésérie du même nom. Comme lui, il est réputé à travers le pays pour s’intéresser aux conditions médicales les plus atypiques, à l’intérieur de son champ de pratique. Heureusement, il ne partage pas le caractère antipathique du personnage.

À propos de l’étude

L’étude Morpholino-based correction of hypomorphic ZAP70 mutation in an adult with combined immunodeficiency a été coécrite par Christina Gavino ; Marija Landekic; Jibin Zeng; Ning Wu, Ph.D. ; Sungmi Jung ; Ming-Chao Zhong, Ph.D. ; Alexis Blanchet-Cohen, Ph.D. ; Mélanie Langelier ; Odile Neyret ; Duncan Lejtenyi ; Claudia Rochefort ; Judith Cotton-Montpetit; Christine McCusker ; Bruce Mazer ; André Veillette ; Donald C Vinh, MD

 

Financement

Cette recherché a reçu du finacnement du CUSM (Département de Médecine), de l’IR-CUSM (Merck Sharpe & Dohme award), CSL Behring Canada, La Fondation du Grand Défi Pierre Lavoie, the Rare Disease Foundation, the BC Children’s Hospital Foundation et les Fonds de recherche du Québec–Santé (FRQS).

 

À propos de l’IR-CUSM

L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’Institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) — dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS). ircusm.ca

 

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